vendredi 7 novembre 2014

Pour François Hollande

J'ai trouvé François Hollande convaincant hier soir et beaucoup plus sympathique que ses prédécesseurs. Que l'on se rappelle donc l'énergie factice de Sarkozy, Chirac et sa façon de répondre à côté de la question, la prétention « culturelle » de Mitterrand, Giscard et son cerveau « supérieur » et sentencieux, Pompidou et sa « modernité »... De Gaulle reste bien sûr hors concours.

Après l'émission de TF1 les politiques ont exprimé la position de leur parti : la « gauche » (sauf les extrémistes) a trouvé Hollande bon, la « droite » l'a trouvé mauvais. Ces opinions préfabriquées n'ont aucune signification.

Mais qu'elle soit « de droite » ou « de gauche » la presse unanime a tiré sur Hollande. Le Monde estime qu'il a été « aux antipodes du mélange d'autorité et de souveraineté que les Français attendent du chef de l’État » (sic) et « trop attentiste pour être convaincant ». Libération a jugé l'émission « plombante sur la forme, guère emballante sur le fond » et estime que Hollande a raconté « quelques bobards ». Le Figaro, cela ne surprend pas, titre « encore raté ! » et commente : « échec », « naufrage », etc.

Les journalistes ont-ils vu la même émission que moi ? Je crois plutôt qu'ils hurlent avec les loups : celui qui ose s'exprimer au rebours des sondages passe pour un jobard. Peu de gens ont pris ce risque sur Twitter.

J'ai toujours détesté ces situations dans lesquelles au lycée, dans l'entreprise, une meute prend plaisir à se savoir unanime en sacrifiant un bouc émissaire.

Hollande a pourtant raison de soutenir les entreprises : ceux qui le lui reprochent semblent croire que les emplois et le bien-être matériel peuvent sortir du sol comme l'herbe au printemps. Soutenir les entreprises, c'est d'ailleurs soutenir les entrepreneurs et non le patronat.

Il a eu raison de rappeler la nécessité des institutions à la dame chef d'entreprise qui croit que la décision politique puisse sortir du sol.

Il a raison de juger prioritaire la lutte contre le réchauffement climatique, de reconnaître l'importance du « numérique » (même si je préfère dire « l'informatisation »). Il s'exagère l'apport économique des énergies renouvelables mais il n'est pas le seul : Rifkin est à la mode.

Personne ne lui a demandé ce que l’État peut faire pour contenir les rémunérations prédatrices, l'abus de biens sociaux, la fraude fiscale, le blanchiment... on ne peut pas lui reprocher de ne pas en avoir parlé.

Il a été aimable et correct avec les personnes que l'on avait mises en face de lui, il s'est prêté à l'exercice en direct et sans filet. Il a répondu aux questions, il n'a pas esquivé les difficultés de l'heure, il n'a pas joué à l'« énergique » ni à l'homme supérieur.

Il m'a paru sérieux, responsable. Ce président fait de son mieux dans une situation difficile. Il respecte la France, il nous respecte, il nous fait honneur devant les autres pays.

Que demander de plus ? Que notre président soit un génie, un faiseur de miracles, un prestidigitateur capable de créer le lapin qu'il sort du chapeau ? Un souverain à qui l'onction du sacre aurait conféré l'omniscience ?

Il a des limites ? Sans doute, car c'est le lot de tout être humain. Il ne faut pas demander à un président d'être Superman.

A quoi nous sert donc de prendre Hollande pour bouc émissaire, sinon à soulager notre peur collective, notre incapacité à assumer notre personnalité historique, notre République, dans le monde que fait émerger l'informatisation ?

11 commentaires:

  1. Je ne suis pas sure que si j'avais regardé l'émission j'aurais le même avis mais une voie discordante et bienveillante si ce n'est gentille (en cette semaine de la gentillesse) fait plaisir à entendre. On oublie souvent que les bonnes maniéres et l'écoute sont des aspects importants de la vie sociale ...

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  2. Je ne juge pas un président sur sa prestation à la télévision, mais sur les décisions qu'il a prises. Le rôle d'un président n'est pas d'être sympathique, mais de diriger le pays. Et jamais depuis mai 68, on a un président aussi en crise de légitimité, y compris dans son camp. Sur le plan international, Hollande est vu comme un valet à Washington, il est méprisé à Londres et à Berlin.

    Sur le plan du travail, le fait répéter sans cesse que la courbe du chômage va s'inverser, alors que le nombre de chômeurs de cessent d'augmenter donne une image troublante d'un président qui ment. C'est donc M.Hollande qui a produit ce "hurlement des loups". Sa perte de crédibilité quasi totale, il la doit donc d'abord à son imprudence et à ses décisions.

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    1. Mentir, c'est affirmer comme vraie une chose fausse. Une erreur de prévision n'est pas un mensonge.
      Je ne vois pas dans la presse étrangère l'image péjorative de Hollande que vous évoquez.
      Il supporte avec courage la marée d'opinions négatives dont vous donnez un échantillon.
      Un président n'a certes pas pour mission d'être sympathique, mais il est préférable qu'il ne soit pas antipathique comme l'ont été ses prédécesseurs.

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  3. Bonjour,
    « Que demander de plus ? » : tout simplement de tenir plus que correctement le poste, ce qui ne me semble pas du tout être le cas. Certes, ce n’était pas le cas non plus de son(ses) prédécesseur(s), nous en sommes bien d’accord. Mais arrivé à un tel niveau, après tant d’années de préparation et de maturation dans le domaine économique et politique, je suis frappé par le faible niveau que présente M. Hollande : aucune vision d’ensemble et d’avenir exposée et expliquée aux français, et aucune réforme de structure pour résoudre ses (très gros) problèmes récurrents (dette, qui augmente tous les jours, chômage, violence, retraite, etc.). Des pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, ont tous eu à un moment donné des responsables qui ont chacun choisi un axe d’action précis pour redresser les comptes de leur pays (tout ceci est expliqué clairement dans le dernier livre de X. Fontanet). Or rien de tel en France, aucune réforme d’envergure n’a encore été lancée, on voit donc mal comment la situation peut s’améliorer dans ce cas compte-tenu de taux de croissance qu’il faudrait, ne serait-ce que pour stabiliser la situation. Au final, que M. Hollande apparaisse sympathique et poli, c’est bien, mais c’est quand même ce qu’on attend de tout le monde. Par contre, que M. Hollande soit compétent pour tenir le poste, c’est ce qui était attendu et pas tenu.

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    1. En effet il manque une orientation clairement indiquée, j'en conviens. Ce n'est pas faute pour moi d'avoir proposé des stratégies, et de les avoir propulsées par les canaux auxquels j'avais accès...
      On peut aussi reprocher à Hollande de ne pas faire assez la différence entre "présider "et "gouverner"...
      Mais avant de le critiquer il faut reconnaître que le "terrain" est difficile. Prenons par exemple les grands systèmes de la nation (éducation, santé, justice). Ils ont grand besoin d'évoluer mais on ne peut rien faire sans mettre 100 000 personnes dans la rue, banderoles au vent et mégaphones pleins de slogans, auxquelles s'ajouteront une centaine de casseurs venus là pour s'amuser et envers lesquels l'opinion publique est très patiente.

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  4. Je prends l'exemple de l'Education que je connais bien. Les profs sont les premiers à demander que le système évolue, en faisant remontrer leur impression et leurs suggestions. Un exemple simple : un élève, qui a 6 de moyenne, fait appel d'un redoublement et passe. Les profs signalent tout cela à la hiérarchie qui préfère les ignorer. Une autre anecdote : les profs qui travaillent dans des salles sans chauffage en hiver évoque leurs difficultés à la Région. Les politiciens leur répondent : "Ah vous les profs, vous ne cessez de râler !".

    Honnêtement, je ne crois pas que les gens du terrain refusent l'évolution et préfèrent le statut quo, au contraire. En fait, il y a un problème avec nos politiciens qui ne nous écoutent pas. L'élite, qui dirige notre nation, semble encore croire que l’on peut faire évoluer le système à coup de slogan et communication. Qu'a fait réellement Vincent Peillon pour l'Education ? Rien ! Il a par contre réussi à faire descendre les profs de prépas contre lui.

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  5. Bonjour,
    je découvre plusieurs posts avec retard dont celui-ci, qui n'est pas le moins courageux. Je souscris entièrement à votre conclusion. Au-delà des analyses ou critiques étayées que l'on peut instruire sur la présidence Hollande, il me semble que la mode de l'anti-hollandisme - au succès plus large encore que celui de l'anti-sarkozysme que je partage encore - révèle un problème bien plus crucial dont chacun peut se saisir. Il ne s'agit aucunement d'excuser les fautes des gouvernants, de pardonner des trahisons ou que sais-je, mais de reconnaître la complexité de notre réalité politique et la difficulté des choix collectifs auxquels nous sommes confrontés.

    L'art est certes difficile, mais nous pouvons aussi nous y essayer à notre niveau simplement : irons nous dans la rue manifester contre un peu plus d'impôts ici, moins de protection là alors qu'honnêtement nous savons au fond de nous que beaucoup de promesses de notre système social ne valent pas mieux que la fausse monnaie des programmes électoraux, clientélistes jusqu'à saturation. Il ne s'agit pas de tout accepter et donner au Medef ou à je ne sais quel autre lobby tous les pouvoirs, mais de s'assurer d'avoir rationnellement examiné les conséquences et pesé le sens de chaque décision. Après tout, si notre République est autre chose q'une juxtaposition hasardeuse d'intérêts particuliers, c'est à chacun de nous de la faire vivre, en premier lieu en soi-même. Malheureusement la complainte systématique ne laisse que peu de place à cet effort.

    Pour autant, le Président Hollande manque certainement de charisme, c'est à dire de la capacité à inspirer confiance dans ses propres décisions. Ce défaut, dans notre système politique présidentiel limite fortement je crois ses leviers politiques. Il aura malgré cela eu le courage de mettre en oeuvre les recommandations du rapport Galois (plus ou moins amendées) et de mener une politique de l'offre inspirée d'une vision stratégique des besoins du pays. C'est une rupture bienvenue avec ses deux prédécesseurs (cf. le récit par F Mer de la réaction de Chirac à son alerte quant à la dérive budgétaire française peu après sa prise de fonction dans le gouvernement Raffarin - anecdote qui illustre le mépris de la réalité par les hommes politiques pour qui seule l'élection compte).

    Bien à vous

    Axel

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  6. L'une des grandes causes du marasme actuel en France est la prolongation de dispositions qui furent valables en leur temps mais qui sont devenues néfastes aujourd'hui. En faisant en sorte que le prix des denrées alimentaires baisse fortement dans les années d'après guerre, on a permis aux autres pôles économiques de la nation française de se développer, notamment l'industrie : disposant d'un revenu supplémentaire allouable à d'autres achats que la seule nourriture, les Français ont pu acquérir des biens d'équipement.

    Il serait évidemment stupide de s'en plaindre maintenant. Ces acquisitions ont libéré l'activité humaine de contraintes pénibles. Prôner un retour à un âge préindustriel serait faire fi des progrès obtenus.

    Aujourd'hui malheureusement, cette politique de baisse des prix agricoles provoque des catastrophes en série. Le chômage dont les causes sont évidemment multifactorielles en est l'un des symptômes les plus visibles.

    Pour être précis et juste, il faudrait ici développer longuement l'argument. Disons en quelques mots que nous avons fini par nous habituer à des prix de BIENS MATERIELS qui n'intègrent pas de façon optimale les coûts de production.

    D'un côté chaque consommateur constate que les prix d'achat, notamment des denrées alimentaires, sont à la fois très variables et trop élevés tandis que de l'autre côté, à l'autre bout de la chaîne, les producteurs de biens, notamment les produits agricoles, sont mal rémunérés.

    On pourrait dénoncer comme on l'entend, non sans raisons, le poids des intermédiaires. Ce serait oublier que dans une société qui se complexifie au fil du temps, le nombre d'intermédiaires a tendance à augmenter. Les mouvements qui essaient aujourd'hui de réduire ce nombre d'intermédiaires, s'ils sont sympathiques et parfois tout à fait justifiés, ne parviendront pas à inverser la tendance de fond. Tout juste peut-on espérer que l'informatisation réussisse à diminuer les coûts des activités des intermédiaires entre le consommateur (foyers ou entreprises de transformation) et les producteurs de matières premières dont les denrées alimentaires.

    Le comble est atteint quand on s'aperçoit qu'en réalité nous vivons sur l'illusion de coûts de production globaux de MATIERES (donc non seulement à la source mais tout au long de la chaîne d'approvisionnement) qui sont plus élevés que ceux que nous sommes prêts à supporter. Habitués à des prix dont l'AFFICHAGE est artificiellement maintenu assez bas pour être supportables et pour libérer des possibilités de consommation variées, le consommateur ne se rend plus compte du coût réel des biens matériels qu'il achète.

    Ainsi en est-il de postes aussi sensibles pour le budget des ménages que l'alimentation, l'habillement ... mais aussi celui de l'instruction et de l'éducation (ce deuxième poste mériterait à lui seul une analyse détaillée). Si nous en restons à la seule alimentation, nous avons bien du mal à mesurer aujourd'hui que le coût global de la production de nourriture est beaucoup plus important qu'il n'y paraît.

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  7. Suite du message précédent :

    Une politique courageuse de vérité que M. Hollande comme d'autres pourrait soutenir consisterait à rétablir chaque fois que c'est possible la vérité des coûts et par répercussion celle des prix.

    Sinon, nous serons témoins d'une aggravation de plus en plus alarmante de la situation économique et sociale en France selon le mécanisme suivant : le consommateur achète une denrée alimentaire en râlant - il veut se nourrir pour moins cher afin de dépenser son argent à d'autres fins - , à un prix qui lui semble trop élevé mais qui, en réalité, est inférieur ou à peine supérieur aux coûts totaux de production. La marge étant trop faible, ce sont les acteurs les plus vulnérables de la chaîne de production qui en souffrent, notamment chez nous les agriculteurs et les éleveurs mais encore davantage ailleurs dans le monde entier. Autre effet nuisible, le consommateur qui dispose d'un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne a tendance à gaspiller ces denrées acquises à un prix trop faible. Habitué à se nourrir pour le moins cher possible, le consommateur croît pouvoir dépenser dans d'autres domaines et ne s'en prive pas. Y prenant goût, il se rue sur toutes les promotions qui tirent le prix de la nourriture vers le bas, qu'elle soit d'une qualité nutritive douteuse ou qu'elle ne le soit pas, espérant ainsi libérer une part de son budget pour d'autres postes de dépenses. Comme d'autres postes de dépense EN FRANCE sont très élevés (énergie, logement, éducation, taxes et impôts, ...), son insatisfaction redouble : il pensait pouvoir disposer de revenus suffisants en économisant sur la nourriture mais non, il lui reste finalement assez peu pour se divertir.

    Comment résoudre ces conflits ? Pourquoi ne pas tendre vers une plus grande vérité des coûts et des prix qui nous sortent de l'illusion ? Se nourrir comme nous le faisons coûte cher et s'il est certainement possible de se nourrir plus sainement pour un coût économique moindre (intégrant les problèmes de santé, de pollution, ...), il est dangereux de croire que l'acquisition de BIENS MATERIELS a un coût tendantiel toujours moindre. Au contraire, se nourrir occupera toujours une place importante dans la somme des efforts que doit consentir un homme. Croire que l'on peut se nourrir ou s'habiller "pour rien" et maintenir cette illusion engendre beaucoup d'amertume et finalement de pauvretés.

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  8. Suite du message précédent :


    Pour conclure, mieux vaudrait que le coût de l'alimentation en France soit pleinement répercuté sur UN SEUL PRIX et non pas dispersé : d'une part un prix affiché maintenu le plus bas possible en amont pour les producteurs (et si possible pour le consommateur) ; d'autre part des subventions prélevées sur les impôts ... pour maintenir un système de production agricole soit disant performant mais qui ne l'est que d'un point de vue partiel : s'il faut en effet de moins en moins d'hommes pour produire toujours davantage, les coûts annexes ont explosé : énergie, eau, engrais, pesticides, foncier, matériels agricoles, frais divers, financement, ... Mieux vaudrait au contraire se rendre à l'évidence : se nourrir bien coûte un travail colossal (et qui peut être passionnant pour l'homme, tant pour le producteur que pour le consommateur, quand il est perçu non comme une corvée voire une malédiction mais comme une chance et même un honneur comme l'indique la Genèse) ... qu'il ne convient pas de sous estimer. Ce coût étant perçu à sa juste valeur, l'homme comprend alors qu'il n'a pas à espérer des revenus hors normes pour se situer au-dessus d'une troupe de gueux qui tirent le diable par la queue mais qu'il lui faut au contraire travailler intelligemment pour gagner son pain comme tout un chacun sans léser autrui et que LE RESTE de ses gains n'étant pas suffisant, par essence, pour acquérir toujours plus de biens matériels, il convient pour lui d'orienter sagement ses capacités vers l'acquisition de BIENS IMMATERIELS qui ne coûte que du temps, soit ... très peu d'argent dans une société où tout métier est considéré à sa juste valeur !

    Autrement dit : l'équation est simple. Tout homme devant travailler beaucoup pour se nourrir, nul ne peut espérer se nourrir à peu de frais et consacrer une grande part du reste de ses revenus à la consommation de biens matériels. Reste à chacun une marge de revenus (en vérité confortable dans une société bien organisée où les questions d'aménagement du territoire et donc de logements sont bien pensées) pour s'adonner à des loisirs peu coûteux mais passionnants : la lecture profonde que vous recommandez et bien d'autres choses tout à fait stimulantes.

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