A l’origine de nos systèmes d’information se trouvent trois abstractions :
- choisir, parmi les êtres que le monde comporte, ceux qui seront identifiés dans la base de données : cela revient à faire abstraction des êtres qui ne seront pas identifiés ;
- choisir, parmi les attributs que l’on peut observer sur un être que l'on a identifié, ceux que l'on retient pour le décrire dans la base de données : cela revient à faire abstraction des attributs qui ne seront pas observés ;
- choisir, parmi les vues que l’on peut définir sur la base de données, celles qui seront proposées à tel segment d’utilisateurs : cela revient à faire abstraction des vues qui ne seront pas proposées.
Le système d’information permet ainsi d’observer in vivo l’articulation entre la pensée et l’action. Il met en scène les démarches de l’abstraction et de la théorie, chaque fois dans un contexte économique, historique et sociologique particulier. Articulant enfin l'automate au travail de l'être humain, il invite à explorer leur complémentarité.
Je ne sais que penser de ceux qui méprisent un tel terrain d’expérimentation en disant « c’est de la technique ». Qu’ils prennent garde à ne pas faire comme ces théologiens qui, au XVIIe siècle, ont refusé de regarder dans la lunette que leur proposait Galilée : cela ne pouvait rien leur apprendre, disaient-ils, puisque tout est déjà dans Aristote et saint Thomas1. Si aujourd’hui un philosophe estime que l’informatique ne peut rien lui apprendre, est-ce parce qu’il croit que tout est déjà dans les auteurs du programme canonique, qu'il s'agisse de Platon ou de Kant, Hegel, Heidegger, Wittgenstein et autres Derrida ?