Je ne suis pas compétent pour savoir si l'hydroxychloroquine est efficace ou non pour combattre le coronavirus. Je sais par contre qu'en cas d'épidémie une population sera toujours tentée de croire celui qui lui propose un médicament miracle : l'emballement autour du protocole du professeur Raoult est une manifestation de ce phénomène.
Je ne connais pas le professeur Raoult et n’ai aucune opinion sur sa personne – peut-on d’ailleurs vraiment avoir une opinion sur une personne ?
On doit, par contre, avoir une opinion sur les comportements ne serait-ce que pour savoir lesquels on peut avoir soi-même et lesquels il faut refuser. Adopter par exemple le rôle du gourou entouré d’admirateurs, est-ce un comportement que l’on puisse s’autoriser ? N’est-il pas préférable d’agir et parler en personne libre parmi des personnes libres ?
On peut encore avoir une opinion sur la cohérence de ce que dit quelqu’un, car une pensée incohérente s’annule elle-même.
Le professeur Raoult s'inspire du philosophe Paul Feyerabend qui, voulant critiquer l’académisme et le conformisme qu’il juge trop fréquents chez les scientifiques, a outrepassé cette critique légitime pour adopter une position de principe « contre la méthode ».
Sa critique de la méthode consiste cependant à proposer... une méthode, l’« anarchisme épistémologique ». La philosophie de Feyerabend se nie ainsi elle-même, comme le font ceux qui affirment qu’« il est absolument vrai que tout est relatif », ou encore comme le font les anarchistes qui, hostiles par principe aux organisations, tentent toujours et inévitablement de s’organiser.
Une des conséquences de la philosophie de Fayerabend, c’est qu'une intuition peut être aussi « vraie » que le constat expérimental d'un fait. Dire cela, c’est faire jouer la pensée à la roulette car l'exactitude d'une intuition n’est qu’une probabilité, éventuellement très faible.
Je crains bien que ce ne soit le cas du protocole du Professeur Raoult. Attendons les conclusions d'une expérimentation rigoureuse et méthodique : nous saurons alors si nous avons, avec lui, gagné à la roulette.
lundi 13 avril 2020
Le professeur Raoult et la chloroquine
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Monnaie et souveraineté
Certains responsables voient une menace pour la « souveraineté » dans la Libra, projet de monnaie électronique de Facebook : chaque monnaie, disent-ils, est l’expression de la souveraineté d’un État, et d’ailleurs seuls les États peuvent être les garants de la fonction fiduciaire de la monnaie. Pour Bruno Le Maire, « nous ne pouvons pas accepter qu’une entreprise privée se dote des instruments de souveraineté d’un État ».
Le débat semble clos depuis que Mark Zuckerberg a fait allégeance aux États-Unis. Le lien entre monnaie et souveraineté semble pourtant contredit par la réalité empirique comme par la réalité historique et la théorie économique : l’informatisation de la monnaie révélera-t-elle cette contradiction ?
Réalité empirique
Si la première qualité d’une monnaie est d’inspirer confiance, la garantie d’un État n’a jamais suffi pour empêcher une crise monétaire : pour ne citer que deux exemples l’Allemagne en 1923 et l’Argentine à la fin des années 1980 ont connu des épisodes d’inflation extrême.
L’Euro, qui est resté stable depuis sa création, n’est pas une monnaie souveraine. On dit bien sûr que les États ont délégué leur souveraineté monétaire à l’Europe, mais est-il logiquement possible de « déléguer » une souveraineté ? Une telle délégation, qui fait des « souverains » des pays qui ont adhéré à l’Euro les membres élus d’une assemblée qui délibérera sur les initiatives de la BCE, réduit la « souveraineté » des États à une fonction de type parlementaire, assujettie aux décisions d’une bureaucratie dont on peut seulement souhaiter qu’elle soit compétente.
Quel est d’ailleurs le périmètre des institutions qui émanent du souverain (la « couronne », disent les Britanniques) ? Il comprend à coup sûr la défense, la justice et la diplomatie. Certains pays leur ajoutent l'enseignement, la santé publique, la politique sociale, la culture et même la religion : ce périmètre est plus ou moins étendu selon les nations.
L'expérience des crises monétaires invite à ne pas considérer la monnaie comme un « instrument de la souveraineté de l’État », mais comme un outil dont la commodité fonde l'usage général qui, lui-même, inspire la confiance : si l'on a confiance en la monnaie, ce n'est pas parce qu'elle bénéficie de la garantie d'un État (garantie contredite par les épisodes d'hyperinflation), mais parce que sa commodité fait qu'elle est acceptée par chacun en contrepartie des biens et des services dont elle facilite l'échange.
Réalité historique
Le débat semble clos depuis que Mark Zuckerberg a fait allégeance aux États-Unis. Le lien entre monnaie et souveraineté semble pourtant contredit par la réalité empirique comme par la réalité historique et la théorie économique : l’informatisation de la monnaie révélera-t-elle cette contradiction ?
Réalité empirique
Si la première qualité d’une monnaie est d’inspirer confiance, la garantie d’un État n’a jamais suffi pour empêcher une crise monétaire : pour ne citer que deux exemples l’Allemagne en 1923 et l’Argentine à la fin des années 1980 ont connu des épisodes d’inflation extrême.
L’Euro, qui est resté stable depuis sa création, n’est pas une monnaie souveraine. On dit bien sûr que les États ont délégué leur souveraineté monétaire à l’Europe, mais est-il logiquement possible de « déléguer » une souveraineté ? Une telle délégation, qui fait des « souverains » des pays qui ont adhéré à l’Euro les membres élus d’une assemblée qui délibérera sur les initiatives de la BCE, réduit la « souveraineté » des États à une fonction de type parlementaire, assujettie aux décisions d’une bureaucratie dont on peut seulement souhaiter qu’elle soit compétente.
Quel est d’ailleurs le périmètre des institutions qui émanent du souverain (la « couronne », disent les Britanniques) ? Il comprend à coup sûr la défense, la justice et la diplomatie. Certains pays leur ajoutent l'enseignement, la santé publique, la politique sociale, la culture et même la religion : ce périmètre est plus ou moins étendu selon les nations.
L'expérience des crises monétaires invite à ne pas considérer la monnaie comme un « instrument de la souveraineté de l’État », mais comme un outil dont la commodité fonde l'usage général qui, lui-même, inspire la confiance : si l'on a confiance en la monnaie, ce n'est pas parce qu'elle bénéficie de la garantie d'un État (garantie contredite par les épisodes d'hyperinflation), mais parce que sa commodité fait qu'elle est acceptée par chacun en contrepartie des biens et des services dont elle facilite l'échange.
Réalité historique
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vendredi 10 avril 2020
Secouer la paresse des économistes
J’ai démontré dans les années 1990, avec toute la rigueur souhaitable, que l’économie actuelle est pour l’essentiel soumise à la loi du rendement d’échelle croissant et que ses marchés obéissent au régime de la concurrence monopolistique1.
Je n’étais ni le seul, ni le premier à percevoir ce phénomène : Paul Krugman, Brian Arthur, Elhanan Helpman, Mike Spence, Paul Romer, Steven Salop, Robert Solow, d’autres encore ont parlé avant moi des rendements croissants et de la concurrence monopolistique. J’ai donc pu me recommander de leur autorité et placer mon propos sous une ombrelle de citations américaines.
La théorie de la concurrence monopolistique n’est d’ailleurs pas récente : elle date de 1933 avec les travaux de Joan Robinson et Edward Chamberlin et fait partie du bagage de tout économiste bien formé.
Il existe cependant un écart entre ces travaux respectables, mais purement théoriques, et le fait de démontrer que désormais l’économie obéit pratiquement et concrètement à ce régime.
Certains économistes exigent que toute démonstration s’appuie sur des statistiques et de l’économétrie. Mais autant ces disciplines sont nécessaires pour trancher des questions auxquelles ni l’évidence, ni le raisonnement ne peuvent suffire, ici l’évidence est criante et le raisonnement tout simple.
Le fait est en effet que le coût marginal d’un logiciel est pratiquement nul : une fois écrit, on peut le reproduire des millions de fois, sans coût supplémentaire significatif, par téléchargement ou impression de disques. Le fait est aussi que le coût marginal d’un composant microélectronique, processeur ou mémoire, est lui aussi pratiquement nul. Le fait est enfin que le transport d’un octet ou d’un document supplémentaire ne coûte pratiquement rien sur l’Internet : il sera seulement bloqué si le réseau est saturé.
Aucune personne de bon sens ne peut nier ces faits qui sont aussi solidement établis que possible : les trois techniques fondamentales de l’économie contemporaine sont donc à rendement d’échelle croissant, et cette propriété s’étend aux autres secteurs à proportion de leur informatisation.
C’est pour la science économique une catastrophe au sens de René Thom2 : les bases de la théorie de l’équilibre général étant ruinées, des lois économiques jugées certaines deviennent obsolètes, des réflexes professionnels auparavant judicieux ne peuvent plus avoir leurs effets habituels.
Cette catastrophe a été anticipée par John Hicks, toujours finement exact :
« It is, I believe, only possible to save anything from (…) the wreckage of the greater part of the general equilibrium theory if we can assume that the markets confronting most of the firms (…) do not differ greatly from perfectly competitive markets (…) and if we can suppose that the percentages by which prices exceed marginal costs are neither very large nor very variable » (John Hicks, Value and Capital, Oxford University Press, 1939, p. 84).
Pour bâtir le modèle qui répondait à cette situation nouvelle il fallait la simplifier et n’en retenir que l’essentiel. C’est ce que j’ai fait en postulant que le coût marginal est nul et que le coût de production se réduit au coût fixe (sunk cost), éventuellement très élevé, d’un investissement initial.
Dans une telle situation la concurrence parfaite est impossible ainsi que la tarification au coût marginal qui est un de ses corollaires. Le régime du marché sera donc soit le monopole, soit la concurrence monopolistique, et si le monopole peut subsister un temps sur un marché la diversification qualitative du produit y introduira bientôt la concurrence monopolistique.
De ce point de départ résulte une cascade de conséquences concernant les produits, l’ingénierie, l’emploi, les compétences, l’organisation, la stratégie, etc. Elles dessinent le monde hypothétique que j’ai exploré avec quelques autres et que nous avons nommé « iconomie ». Je l’ai décrit dans des livres3, articles et émissions sur Xerfi Canal, me répétant au point d’avoir parfois l’impression pénible de radoter.
Comme tout modèle économique celui de l’iconomie est schématique. Cela ne l’empêche pas de fournir des indications éclairantes à la stratégie des entreprises et à la politique : l’orientation qu’elles indiquent se révèle d’ailleurs familière aux entrepreneurs que nous rencontrons car à défaut de théorie ils ont une intuition exacte de la situation présente.
Mais qu’en est-il de nos confrères économistes ?
Je n’étais ni le seul, ni le premier à percevoir ce phénomène : Paul Krugman, Brian Arthur, Elhanan Helpman, Mike Spence, Paul Romer, Steven Salop, Robert Solow, d’autres encore ont parlé avant moi des rendements croissants et de la concurrence monopolistique. J’ai donc pu me recommander de leur autorité et placer mon propos sous une ombrelle de citations américaines.
La théorie de la concurrence monopolistique n’est d’ailleurs pas récente : elle date de 1933 avec les travaux de Joan Robinson et Edward Chamberlin et fait partie du bagage de tout économiste bien formé.
Il existe cependant un écart entre ces travaux respectables, mais purement théoriques, et le fait de démontrer que désormais l’économie obéit pratiquement et concrètement à ce régime.
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Certains économistes exigent que toute démonstration s’appuie sur des statistiques et de l’économétrie. Mais autant ces disciplines sont nécessaires pour trancher des questions auxquelles ni l’évidence, ni le raisonnement ne peuvent suffire, ici l’évidence est criante et le raisonnement tout simple.
Le fait est en effet que le coût marginal d’un logiciel est pratiquement nul : une fois écrit, on peut le reproduire des millions de fois, sans coût supplémentaire significatif, par téléchargement ou impression de disques. Le fait est aussi que le coût marginal d’un composant microélectronique, processeur ou mémoire, est lui aussi pratiquement nul. Le fait est enfin que le transport d’un octet ou d’un document supplémentaire ne coûte pratiquement rien sur l’Internet : il sera seulement bloqué si le réseau est saturé.
Aucune personne de bon sens ne peut nier ces faits qui sont aussi solidement établis que possible : les trois techniques fondamentales de l’économie contemporaine sont donc à rendement d’échelle croissant, et cette propriété s’étend aux autres secteurs à proportion de leur informatisation.
C’est pour la science économique une catastrophe au sens de René Thom2 : les bases de la théorie de l’équilibre général étant ruinées, des lois économiques jugées certaines deviennent obsolètes, des réflexes professionnels auparavant judicieux ne peuvent plus avoir leurs effets habituels.
Cette catastrophe a été anticipée par John Hicks, toujours finement exact :
« It is, I believe, only possible to save anything from (…) the wreckage of the greater part of the general equilibrium theory if we can assume that the markets confronting most of the firms (…) do not differ greatly from perfectly competitive markets (…) and if we can suppose that the percentages by which prices exceed marginal costs are neither very large nor very variable » (John Hicks, Value and Capital, Oxford University Press, 1939, p. 84).
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Pour bâtir le modèle qui répondait à cette situation nouvelle il fallait la simplifier et n’en retenir que l’essentiel. C’est ce que j’ai fait en postulant que le coût marginal est nul et que le coût de production se réduit au coût fixe (sunk cost), éventuellement très élevé, d’un investissement initial.
Dans une telle situation la concurrence parfaite est impossible ainsi que la tarification au coût marginal qui est un de ses corollaires. Le régime du marché sera donc soit le monopole, soit la concurrence monopolistique, et si le monopole peut subsister un temps sur un marché la diversification qualitative du produit y introduira bientôt la concurrence monopolistique.
De ce point de départ résulte une cascade de conséquences concernant les produits, l’ingénierie, l’emploi, les compétences, l’organisation, la stratégie, etc. Elles dessinent le monde hypothétique que j’ai exploré avec quelques autres et que nous avons nommé « iconomie ». Je l’ai décrit dans des livres3, articles et émissions sur Xerfi Canal, me répétant au point d’avoir parfois l’impression pénible de radoter.
Comme tout modèle économique celui de l’iconomie est schématique. Cela ne l’empêche pas de fournir des indications éclairantes à la stratégie des entreprises et à la politique : l’orientation qu’elles indiquent se révèle d’ailleurs familière aux entrepreneurs que nous rencontrons car à défaut de théorie ils ont une intuition exacte de la situation présente.
Mais qu’en est-il de nos confrères économistes ?
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mercredi 8 avril 2020
La crise et comment en sortir
Pour comprendre la crise actuelle, il faut d’abord voir que ce n’est pas une crise économique.
L’origine d’une crise économique se trouve dans l’économie : une ressource naturelle fait défaut (crise pétrolière), le potentiel du système technique est épuisé (crise systémique), la spéculation a détruit la crédibilité des créances (crise financière), la confiance dans la monnaie s’est dissipée (crise monétaire), etc. Souvent une crise économique comporte plusieurs de ces dimensions.
On peut juger l’économie actuelle fragile sous certains de ces aspects mais le fait est que ce n’est pas eux qui ont déclenché cette crise. L’origine de la crise présente ne réside ni dans les ressources naturelles, ni dans le système technique, ni dans les créances, ni dans la monnaie.
L’origine de la crise présente est sanitaire.
Elle a cependant des conséquences économiques. L’INSEE estime que 35 % du système productif sont à l’arrêt1, ce taux variant d’ailleurs fortement d’un secteur à l’autre (certaines activités sont à l’arrêt complet, d’autres travaillent au contraire à plein rendement). Il reste que l’économie fonctionne à 65 % de ses capacités : ce n’est pas nul, contrairement à ce que l’on entend parfois dire, mais le choc est sévère.
Comme toute crise, celle-ci a eu un début et elle finira lorsque sa cause aura disparu : elle durera le temps de l’épidémie, c’est-à-dire encore quelques semaines. Il ne faut pas avoir la vue courte : la situation actuelle n’est pas faite pour durer. Il faut résister à la tentation de la myopie.
La crise aiguë aura cependant laissé des traces. La logistique des flux qui ont été bloqués et les processus de production interrompus devront redémarrer. Cela demandera un certain délai.
Cependant les ressources sont toujours là. Avec tout le respect qui est dû aux personnes qui ont perdu des proches, on peut dire que la démographie n’aura pas été atteinte de façon significative : les compétences seront pratiquement intactes, les organisations ne sont pas compromises.
La plus grave des conséquences de la crise sanitaire sera la dégradation de la trésorerie des entreprises. Les ménages auront relativement peu souffert grâce aux mesures de soutien aux revenus (chômage partiel, indemnités, etc.). Par contre les entreprises qui ont été contraintes de ralentir ou cesser leur activité (mécanique, BTP, transport aérien et chemin de fer, restauration, tourisme, etc.) auront dû couvrir leurs dépenses récurrentes sans pouvoir faire de recettes.
Nous risquons donc une épidémie de faillites d’entreprises par ailleurs saines, mais incapables de supporter un tel choc.
Il ne faudra pas jouer à la « destruction - création » schumpeterienne. On peut lorsque l’économie est dans son régime normal croire aux vertus brutales de la sélection naturelle, qui supprime des entreprises inefficaces, mais l’épidémie est une situation exceptionnelle et les entreprises qui se trouvent aujourd’hui en danger ne sont pas nécessairement des entreprises inefficaces.
L’origine d’une crise économique se trouve dans l’économie : une ressource naturelle fait défaut (crise pétrolière), le potentiel du système technique est épuisé (crise systémique), la spéculation a détruit la crédibilité des créances (crise financière), la confiance dans la monnaie s’est dissipée (crise monétaire), etc. Souvent une crise économique comporte plusieurs de ces dimensions.
On peut juger l’économie actuelle fragile sous certains de ces aspects mais le fait est que ce n’est pas eux qui ont déclenché cette crise. L’origine de la crise présente ne réside ni dans les ressources naturelles, ni dans le système technique, ni dans les créances, ni dans la monnaie.
L’origine de la crise présente est sanitaire.
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Elle a cependant des conséquences économiques. L’INSEE estime que 35 % du système productif sont à l’arrêt1, ce taux variant d’ailleurs fortement d’un secteur à l’autre (certaines activités sont à l’arrêt complet, d’autres travaillent au contraire à plein rendement). Il reste que l’économie fonctionne à 65 % de ses capacités : ce n’est pas nul, contrairement à ce que l’on entend parfois dire, mais le choc est sévère.
Comme toute crise, celle-ci a eu un début et elle finira lorsque sa cause aura disparu : elle durera le temps de l’épidémie, c’est-à-dire encore quelques semaines. Il ne faut pas avoir la vue courte : la situation actuelle n’est pas faite pour durer. Il faut résister à la tentation de la myopie.
La crise aiguë aura cependant laissé des traces. La logistique des flux qui ont été bloqués et les processus de production interrompus devront redémarrer. Cela demandera un certain délai.
Cependant les ressources sont toujours là. Avec tout le respect qui est dû aux personnes qui ont perdu des proches, on peut dire que la démographie n’aura pas été atteinte de façon significative : les compétences seront pratiquement intactes, les organisations ne sont pas compromises.
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La plus grave des conséquences de la crise sanitaire sera la dégradation de la trésorerie des entreprises. Les ménages auront relativement peu souffert grâce aux mesures de soutien aux revenus (chômage partiel, indemnités, etc.). Par contre les entreprises qui ont été contraintes de ralentir ou cesser leur activité (mécanique, BTP, transport aérien et chemin de fer, restauration, tourisme, etc.) auront dû couvrir leurs dépenses récurrentes sans pouvoir faire de recettes.
Nous risquons donc une épidémie de faillites d’entreprises par ailleurs saines, mais incapables de supporter un tel choc.
Il ne faudra pas jouer à la « destruction - création » schumpeterienne. On peut lorsque l’économie est dans son régime normal croire aux vertus brutales de la sélection naturelle, qui supprime des entreprises inefficaces, mais l’épidémie est une situation exceptionnelle et les entreprises qui se trouvent aujourd’hui en danger ne sont pas nécessairement des entreprises inefficaces.
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