vendredi 15 octobre 2021

Un bilan

Avec l’accumulation des années le corps se déglingue et l’échéance de la mort approche. Elle ne me semble pas effrayante, je la trouve même désirable à certains égards.

Cela m’invite à méditer et faire un bilan : ce que j’ai fait, ce que j’ai été. Je condense ici le résultat.

J’ai fait souffrir des personnes par indifférence, sottise ou méchanceté. Comme je le regrette ! L’action étant malheureusement irréversible, ce que j’ai fait a été fait. J’en porte la responsabilité.

J’ai souffert moi aussi. Seule la mort pouvant effacer ces souvenirs pénibles, je voudrais par moments qu’elle vînt plus vite.

Mon intelligence a d’étroites limites même si je m’efforce à garder les yeux ouverts : je suis souvent borné et buté comme un âne. Partout où je suis passé – et j’ai souvent changé d’endroit – j’ai cependant fait ce qui me semblait être mon devoir. Même si l’on peine parfois à trouver un chemin cette boussole indique une orientation droite. Mon inflexibilité a pu être incommode mais je crois que c’est la seule attitude qui puisse être féconde à la longue.

J’ai voulu ne pas faire carrière, j’ai soigneusement évité les pièges de la célébrité, sur ces deux points j’ai parfaitement réussi. Cela a sans doute réduit l’audience de mon travail mais il a pu rester sans complaisance. Quelques personnes disent qu’il leur est utile et cela me suffit.

Je ne suis pas de ceux qui ruminent les exemples de perversité et de médiocrité que donne notre espèce car ils me semblent plus que compensés par l’éclat lumineux des personnes généreuses que j’ai rencontrées parmi mes professeurs, mes collègues, mes collaborateurs, ainsi que parmi les commerçants et les artisans.

J’aurai été aimé bien plus que je ne le mérite et lorsque je serai mort la vie continuera avec tout ce que j’aime : les jeux des enfants, la beauté des femmes, le déploiement des nuages, le jaillissement toujours renouvelé de la nature, la noble générosité de certains êtres, l’élégance efficace de certaines œuvres. Penser cela me procure une joie profonde.

8 commentaires:

  1. Yann Buisson-Bergeret15 octobre 2021 à 18:56

    Bravo et merci

    RépondreSupprimer
  2. Une belle synthèse. Pour moi vous restez une des références dans le domaine de l'analyse de données surtout avec votre livre que j'ai beaucoup apprécié.

    RépondreSupprimer
  3. Le maitre dans l'analyse des données serait il devenu un peu timide

    RépondreSupprimer
  4. Cher Michel, j’ai toujours pensé de vous que vous étiez stoïcien, attaché au réel et à l’instant présent (carpe diem, quam minimum credula postero.). Je lis en creux que vous traversez une période difficile, qui touche peut être à votre santé. Nous nous préparons tous à ces épreuves, tant bien que mal, et malgré tout ne pouvons en prédire l’issue. J’espère que nous éclairerez encore quelques temps, nous en avons besoin. Bien à vous. Jérôme

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les phénomènes physiques qu'apporte l'âge invitent en effet à une méditation, mais ils n'altèrent pas ma joie de vivre.

      Supprimer
  5. Je ne sais pas comment prendre ce texte. Comme je désire être heureux je le prends comme il vient !! Surtout je me dis « aimons-nous vivant » et c’est pourquoi je vais te dire ce que j’en pense.
    D’un côté tu nous fais peur car oui les années passent et les probabilités de la mort augmentent. D’un autre on se dit que c’est énorme la quantité de travail que tu nous lègues et la générosité que tu as eu envers nous tous et moi en particulier.
    C’est ce deuxième volet qui englobe le tout !!
    Je ne saurais te rendre tout ce que tu m’as donné. Je te considère secrètement comme un mentor. Comme une référence de vie. Même si tu n’es pas très sentiment et peut être pas trop versé dans ce style, je reprend une de tes phrases :"j’aime à converser avec les auteurs".
    C’est comme ça aussi que je te vois.
    Je relis tes textes publiés depuis 1998 et en livre ce coups ci. Il y a tellement de choses à te dire et à partager.
    Tu m’as dit une fois chez toi. « A 80 ans j’arrête » Je me dis que ce texte en est quelque part le résultat.
    Ton bilan est bien plus positif que tu ne le laisses entendre dans ce texte.
    Tu as réussi à englober la philo la sociologie la science et l’anthropologie dans tes textes dont l’orientation est tournée vers le futur.
    Vers la dignité de ce que l’homme peut apporter de meilleur au monde avec les technologies du moment et qu’il entrevoit.
    à très bientôt
    Olivier Piuzzi

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai prévu d'arrêter mon travail à 85 ans car on risque de radoter à partir de cet âge-là. Mais je verrai ce qu'il en est !

      Supprimer
  6. oui continue fort et longtemps !! tes textes nous inspirent !!
    olivier Piuzzi

    RépondreSupprimer