Connaissez-vous l’espace de Riemann1 ?
Sa définition est simple : c’est un espace dans lequel la mesure de la distance (ou « métrique ») varie selon le point que l’on considère.
Regardons par exemple une carte géographique. C’est la projection plane d’une surface approximativement sphérique et bosselée (puisque notre Terre possède des montagnes et des vallées), réduite à l’échelle puis enrichie de lignes de niveau, noms des lieux et autres indications.
À chacun des points de la surface de la Terre sont associées une longitude et une latitude : c’est donc un espace à deux dimensions. La distance à vol d’oiseau entre deux points est celle qui apparaît sur la carte, une fois celle-ci reportée à l’échelle et sous l’approximation que comporte la projection plane d’une sphère.
Mais on peut aussi vouloir mesurer comme des arpenteurs la distance « au ras du sol » qui suivra les accidents du terrain entre les deux points : elle sera plus élevée que la distance à vol d’oiseau car le terrain comporte des dénivellations, et d’autant plus élevée que leurs pentes seront plus fortes.
La mesure de cette distance au ras du sol dépend donc autour de chaque point de la pente du terrain. Elle dépend aussi de l’orientation du trajet : l’écart avec la mesure de la distance à vol d’oiseau est nulle le long des lignes de niveau, elle est maximale dans le sens de la pente.
La surface de la Terre est ainsi un espace de Riemann. Il en est de même de toutes les surfaces à deux dimensions qui, n’étant pas exactement planes, ne sont pas des « espaces euclidiens » : la sphère par exemple ainsi que la « selle de cheval », morceau d’un « paraboloïde hyperbolique ».
Sur de telles surfaces le chemin le plus court entre deux points ne suit pas une ligne droite mais une courbe nommée « géodésique » : sur la sphère, les géodésiques sont des arcs de grand cercle et deux géodésiques localement parallèles se coupent en deux points. Sur la surface d’une sphère la somme des angles d’un triangle est supérieure à deux droits, elle leur est inférieure sur une « selle de cheval ».
Il faut donc dans un espace de Riemann se résoudre à abandonner les axiomes de la géométrie euclidienne ainsi que les résultats qui s’en déduisent. Or l’enseignement primaire et secondaire est totalement « euclidien » : notre première formation aux mathématiques nous ainsi a donné des habitudes dont il sera ensuite difficile de se défaire.
Nous pouvons certes admettre qu’une surface soit bosselée, que la plus courte distance ne s’y mesure pas le long d’une droite, etc. Mais qu’en est-il de l’espace à trois dimensions dans lequel nous vivons : est-il possible de le considérer comme un espace de Riemann ?