« La vraie morale se moque de la morale » (Pascal, Pensées)
Le flot d'indignation qui se déverse sur Dominique Strauss-Kahn, Gilles Bernheim, Jérôme Cahuzac, Claude Guéant etc. a quelque chose d'écœurant. Faut-il donc que nous soyons tous vertueux pour que la foule condamne ces personnes !
Apparemment nous sommes tous impeccables : nous avons toujours respecté la foi conjugale, nous sommes des associés loyaux, des amis fidèles, nous remboursons ponctuellement nos dettes, nos déclarations d'impôts sont exactes, nous n'avons jamais fréquenté de prostituée, nous n'avons jamais abusé de notre pouvoir, jamais commis aucune injustice ! Dans le secret de la solitude, nous ne nous sommes même jamais masturbés.
C'est du moins, apparemment, ce que nous pensons de nous-même et c'est du haut de cette vertu impeccable que nous jugeons et condamnons ces personnes.
« Je méprise ton action », a dit Paris de Bollardière à Massu qui organisait la torture lors de la bataille d'Alger. Cette phrase est précise : il ne dit pas « je te méprise », mais « je méprise ce que tu fais ».
Il se peut que les actes de ces personnes soient méprisables, mais pouvons-nous mépriser les personnes elles-mêmes ? Si nous sommes honnêtes, si notre mémoire n'a pas soigneusement effacé tout souvenir gênant, il nous faut pourtant bien reconnaître que nous aussi avons commis des choses dont nous ne sommes pas fiers. « Non, aucune », me dites-vous ? Hypocrite !
* *
Ce qui nous sépare en fait de ces personnes c'est qu'elles se sont fait « pincer », comme on dit dans les pièces de Labiche, alors que personne ne nous a jamais « pincé ». C'est ce qui surnage lorsque l'on pousse la discussion à fond : « Si Strauss-Kahn (ou Cahuzac, ou Bernheim etc.) s'est fait prendre, me dit-on, c'est qu'il n'était pas digne (ou pas capable) d'occuper ses fonctions ». Autant dire que notre morale se résume à « pas vu, pas pris ».
La faute d'autrui, démasquée et révélée, nous invite à contrôler le Mal qui est à l’œuvre chez chacun et même chez ceux qui prétendent être de petits saints. Plutôt que de condamner – laissons au juge cette tâche pénible – mieux vaut se tourner vers soi-même pour examiner ce que nous faisons.
Je ne peux jamais lire Jean 8,3-11 sans émotion :
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qui a été surprise en train de commettre l'adultère. Ils la font avancer et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère. Or dans la Loi Moïse a ordonné de lapider ces femmes-là. Qu'en dis-tu ? » Jésus s'était baissé et, du doigt, traçait des traits sur le sol. Comme on persistait à l'interroger il se redressa et dit : « Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». Sur cette réponse ils s'en allèrent l'un après l'autre en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t'a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur ». Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et ne pèche plus ».
Bonsoir,
RépondreSupprimerJe m'interroge sur l'importance de la gravité de chaque faute...
Je suis d'accord que si, dans l'idéal, "un homme, ça s'empêche", dans les faits, personne n'est irréprochable.
Pour autant, peut-on comparer une masturbation solitaire et une recherche de sexe de tous les instants ? Peut-on comparer un 'oubli" sur la délaration d'impôts et la non déclaration de millions ?
Peut-être qu'une faute morale reste une faute morale quelle que soit son "niveau". Peut-être que ceux qui se rendent coupables de petites fautes en feraient de plus grosses s'ils avaient plus de moyens ou moins d'inhibitions.
Peut-on juger uniquement si nous sommes irréprochables ? Peut-on juger si l'on est simplement moins coupables ? Faut-il s'abstenir de juger les autres ?
Difficile d'avoir, de mon point de vue, un avis tranché
Moi, par exemple, je suis coupable de ne pas me relire et de laisser des fautes...ce que DSK ne laissait jamais passer :D
RépondreSupprimerJe comprends de Michel qu'il nous suggère de "juger" les actions, pas les hommes. Il y a une nuance qui, de mon point de vue, mérite qu'on y réfléchisse...
RépondreSupprimerJean-Guy
Juger les actes plutôt que les personnes : c'est très juste, et notre tradition européenne (chrétienne ?) l'a un peu oublié. J'ai appris cette leçon d'autres cultures, Afrique noire, pays arabes...
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe suis assez d'accord avec le fait que cette tempête médiatique délatrice et moralisatrice à outrance peut donner la nausée. Et c'est bien la le soucis: Les médias nous donnent du spectacle et pas de l'information.
Quant à vos références à la bible elles sont louables. Mais qui s'en soucie de nos jours ?
Claude
Bonjour Michel,
RépondreSupprimerNe m'as-tu pas dit un jour que la ligne qui séparait le "bien" du "mal" ne passait pas entre les individus mais au milieu de chacun d'entre nous?
Tu persistes et je signe avec toi!
Amitié,
Yves