Chacun est habitué au monde qui l’entoure. La plupart de nos actions obéissent à des réflexes et nous réservons notre attention, notre réflexion, aux circonstances accidentelles ou exceptionnelles qui nous contraignent à sortir un instant de nos habitudes.
Mais voici que nous arrivons dans une ville inconnue d’un pays étranger. Nous chercherons pendant quelques jours des repères, jusqu’à ce que le nouvel environnement nous devienne assez familier pour que nous puissions y agir de façon réflexe.
Les choses se passent de la même façon, toutes proportions gardées, lorsqu’une société connaît une « révolution industrielle ». La société française de l’ancien régime, essentiellement agricole, obéissait à des traditions qui semblaient éternelles : et voici qu’arrive la mécanisation avec à sa suite les usines, l’urbanisation, la conquête du pouvoir politique par la bourgeoisie, etc.
La société industrielle s’appuyait sur la mécanique, la chimie et l’énergie : et voici qu’arrive le numérique qui, lui, s’appuie sur la microélectronique, le logiciel et l’Internet, avec à sa suite des nouveaux produits, de nouvelles formes du travail, de l’organisation, de la concurrence.
Des entreprises d’une nature inédite poussent comme des champignons et se hissent au premier rang, d’où elles chassent celles qui étaient naguère les plus puissantes. Il en est de même pour les nations dans l’arène de la géopolitique.
Situation et circonstances
Qu’il s’agisse de notre vie personnelle ou de celle des sociétés, une situation historique détermine les possibilités et les dangers auxquels l’action doit répondre. La situation d’une nation est déterminée par la géographie et la fertilité de son territoire, par son patrimoine, par la taille de sa population active, enfin par les techniques que cette population maîtrise.
Des circonstances altèrent de façon passagère la stabilité de cette situation : une maladie change notre vie quotidienne, une guerre dérange la société. Une fois la crise passée l’une comme l’autre reprennent leur cours.
Il ne convient pas de dire que « tout change en permanence » car s’il est vrai que la situation est traversée par une évolution et, en outre, parfois bousculée par des circonstances, il est vrai aussi que l’action productive s’appuie sur un système technique1 et que celui-ci reste le même jusqu’à ce qu’une « révolution industrielle » lui en substitue un autre : alors la situation change et il faut trouver de nouveaux repères, construire de nouveaux réflexes.
C’est l’affaire de deux ou trois jours quand nous arrivons dans une nouvelle ville mais les choses sont plus compliquées après une « révolution industrielle ». Ce qui, dans une société, correspond aux habitudes et réflexes de la vie personnelle, ce sont des traditions, lois et institutions qui ne se laissent pas transformer en quelques jours.
C’est alors qu’intervient le théoricien dont Adam Smith fut l’éminent exemple : son intuition embrasse la situation nouvelle et constate l’inadéquation des traditions, lois et institutions héritées de la situation antérieure. Il s’efforce alors, pour penser la nouvelle situation, de s’émanciper de la tradition et dégager les principes qui, orientant les acteurs vers l’action judicieuse, les aideront à définir des lois et des institutions pertinentes.
Cette situation est cependant d’une extrême complexité car elle se manifeste dans toutes les dimensions de la vie en société : pour pouvoir la penser il faut donc la simplifier, bâtir un modèle à partir d’hypothèses qui la schématisent. Ce modèle sera fécond s’il retient les traits essentiels de la situation : une bonne caricature révèle le caractère d’une personne mieux que ne pourrait le faire une photographie.
vendredi 30 mars 2018
mardi 13 mars 2018
La "raison d'être" des entreprises
Le rapport Sénard-Notat "Entreprise et intérêt général" est intéressant et utile, car il convenait de rompre avec la représentation de l'entreprise comme société et avec le "modèle principal-agent", si cher à Jean Tirole, qui fait du dirigeant non un entrepreneur mais un polichinelle dont les actionnaires tirent les ficelles.
La "responsabilité sociale et environnementale" ne suffit cependant pas à rendre compte de la relation de l'entreprise avec le monde de la nature physique, sociale et humaine.
Il est salubre, pour définir l'entreprise, de partir non des exigences "sociales et environnementales" ou autres, mais de ce que l'entreprise fait. Or le fait est que son action puise des ressources dans la nature (au sens large ci-dessus), élabore des produits et émet des déchets. L'entreprise assure ainsi l'interface entre la nature, dont elle use les ressources et que ses déchets dégradent, et les besoins des consommateurs ou utilisateurs de ses produits.
La "responsabilité sociale et environnementale" ne suffit cependant pas à rendre compte de la relation de l'entreprise avec le monde de la nature physique, sociale et humaine.
Il est salubre, pour définir l'entreprise, de partir non des exigences "sociales et environnementales" ou autres, mais de ce que l'entreprise fait. Or le fait est que son action puise des ressources dans la nature (au sens large ci-dessus), élabore des produits et émet des déchets. L'entreprise assure ainsi l'interface entre la nature, dont elle use les ressources et que ses déchets dégradent, et les besoins des consommateurs ou utilisateurs de ses produits.
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dimanche 11 mars 2018
L’économie numérique et la statistique
Intervention au colloque du Conseil national de l’information statistique (CNIS), 7 mars 2018
La plupart d’entre nous ont du numérique une expérience acquise à domicile en surfant sur le Web, en commandant des livres chez Amazon, en consultant Google, en utilisant la messagerie. Ceux d’entre nous qui sont des économistes tirent les leçons de cette expérience en considérant l’économie des plates-formes, les marchés bifaces, etc. Par ailleurs les médias nous invitent tous à l’enthousiasme ou à l’inquiétude à propos des robots et de l’intelligence artificielle.
Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut cependant dépasser cette expérience individuelle et considérer les effets du numérique dans les institutions, dans les entreprises.
Le système productif a été en effet transformé en profondeur. La symbiose de l’intelligence humaine et de l’intelligence artificielle a fait naître un nouvel individu, le « cerveau d’œuvre » auquel son « ordinateur » présente à chaque instant les documents, espaces de saisie et commandes qui répondent à sa situation.
Le numérique exige par ailleurs une synergie des cerveaux d’œuvre en vue de l’efficacité collective de l’entreprise. Cette synergie ne peut être obtenue que si le langage de l’entreprise est cohérent et si les volontés des individus sont animées par des intentions convergentes.
La plupart d’entre nous ont du numérique une expérience acquise à domicile en surfant sur le Web, en commandant des livres chez Amazon, en consultant Google, en utilisant la messagerie. Ceux d’entre nous qui sont des économistes tirent les leçons de cette expérience en considérant l’économie des plates-formes, les marchés bifaces, etc. Par ailleurs les médias nous invitent tous à l’enthousiasme ou à l’inquiétude à propos des robots et de l’intelligence artificielle.
Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut cependant dépasser cette expérience individuelle et considérer les effets du numérique dans les institutions, dans les entreprises.
Le système productif a été en effet transformé en profondeur. La symbiose de l’intelligence humaine et de l’intelligence artificielle a fait naître un nouvel individu, le « cerveau d’œuvre » auquel son « ordinateur » présente à chaque instant les documents, espaces de saisie et commandes qui répondent à sa situation.
Le numérique exige par ailleurs une synergie des cerveaux d’œuvre en vue de l’efficacité collective de l’entreprise. Cette synergie ne peut être obtenue que si le langage de l’entreprise est cohérent et si les volontés des individus sont animées par des intentions convergentes.
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