Dubhashi et Lappin prédisent que l’efficacité résultera de l’articulation du cerveau humain et de l’ordinateur : « the strongest chess player today is neither a human, nor a computer, but a human team using computers » (Devdatt Dubhashi et Shalom Lappin, « AI Dangers: Imagined and Real », Communications of the ACM, février 2017).
L’« ordinateur » peut-il penser tout seul, sans aucune intervention humaine ? Est-il plus efficace que l’être humain ? Va-t-il le remplacer partout dans les entreprises ?
L’expérience apporte d’utiles enseignements. Certes le Deeper Blue d’IBM a battu en 1997 le champion du monde des échecs, Gary Kasparov, mais par la suite l’ordinateur (et le champion) ont été battus par une équipe de joueurs amateurs utilisant des ordinateurs. Comme l’ont dit Dubashi et Lappin, « le meilleur joueur d’échecs n’est ni un humain, ni un ordinateur, mais une équipe d’êtres humains utilisant des ordinateurs ».
La formule la plus efficace est donc un partenariat entre l’être humain et l’ordinateur, dans lequel chacun des deux partenaires fait ce qu’il sait faire mieux que l’autre : l’ordinateur calcule vite et exécute inlassablement avec précision ce pour quoi il a été programmé, l’être humain sait interpréter une situation imprévue et décider.
La programmation d’un automate est d’ailleurs une opération humaine, ainsi que la production, la sélection et la correction des données sur lesquelles sera étalonnée une intelligence artificielle : chaque programme est une intelligence humaine mise en conserve, et son utilisation va requérir un travail humain pour répondre aux incidents, pannes et autres événements imprévisibles.
Nous avons nommé « cerveau-d’œuvre » le partenariat, ou le couple, que forment l’être humain et l’ordinateur. Ce partenariat dégage une efficacité inédite car l’informatisation n’apporte pas seulement une automatisation des tâches répétitives : elle assiste la réflexion et la conception, elle aide les personnes qui produisent un service à connaître les besoins du client et trouver les solutions qui lui conviendront.
La raison d'être d'une entreprise est d'organiser une action collective lorsque l'action individuelle ne suffit pas pour élaborer un produit jugé nécessaire. Quand le partenariat qui fait apparaître les cerveaux d’œuvre est réussi, il reste à réussir la synergie des compétences individuelles. Une informatisation bien conçue contribue au travail coopératif en éclairant pour les intervenants la finalité des processus de production ainsi que le partage des rôles et responsabilités.
Le cerveau d’œuvre n’est donc pas seulement un être humain que l’ordinateur assiste dans son travail : c’est un réseau de compétences complémentaires. Le cerveau d’œuvre individuel, partenariat d’un être humain et de l’ordinateur, contribue à un cerveau d’œuvre collectif.
C’est la leçon de l’expérience que rapportent Dubashi et Lappin : dans nos entreprises, l’efficacité sera atteinte non par l’ordinateur seul, mais par une organisation collective des cerveaux d’œuvre que forment le couple de l’être humain et de l’ordinateur.
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