(Contribution au livre Informatisation et entreprises : les deux absents de la présidentielle, Institut de l’iconomie, janvier 2022.)
Taxer ?
Certains polémistes prétendent que l’informatique « consomme de l’énergie » et qu’il faut donc taxer les messages et vidéos qui passent sur l’Internet. Ils ne savent donc pas que l’économie informatisée est une économie des infrastructures, donc à coûts fixes, et que cela interdit d’assigner une dépense d’énergie à chaque transfert d’octets.
Pour éclairer le rapport entre l’informatisation et l’écologie, voyons à long terme
Plaçons-nous dans la situation où les entreprises, les consommateurs, les pouvoirs publics et le régulateur auraient, dans leur orientation et leur comportement, tiré toutes les conséquences de l’informatisation et atteindraient ainsi par hypothèse l’iconomie, économie informatisée pleinement efficace. Dans l’iconomie, chaque produit est un service ou un assemblage de biens et de services. L’Internet des objets permet de suivre les biens pendant leur cycle de vie, jusqu’à leur recyclage. L’iconomie est donc la base de l’économie circulaire qui interdit l’obsolescence programmée, garantit la durée de vie des biens et rend leur recyclage systématique (d’après le rapport de la Circle Economy l’économie circulaire permet de diminuer de 28 % le volume des matières premières consommées et de 1,5 °C le réchauffement du climat).
Les consommateurs suivront les entrepreneurs
Les consommateurs, eux aussi par hypothèse efficaces, savent choisir les produits qu’ils consomment ou utilisent selon le rapport de leur qualité subjective à leur prix, et non selon le seul prix seul : ils sont sensibles à leur utilité ainsi qu’à la désutilité que provoquent les atteintes à l’environnement et la destruction des ressources naturelles. Le consommateur qui achète des vêtements, des chaussures, des équipements ménagers dont la qualité lui convient n’éprouve pas le besoin d’en avoir un grand nombre ni de les renouveler fréquemment : il est donc sobre en quantité. L’iconomie connaît ainsi une croissance en qualité et non plus en quantité, donc économe en matières premières.
On peut bien sûr douter de la possibilité d’une telle évolution. Un pessimiste dira que l’économie et la société peuvent rester indéfiniment embourbées dans l’inefficacité, que l'iconomie ne sera jamais atteinte, que la croissance en qualité est un doux rêve et que seule une « décroissance » pourra répondre aux exigences de l’écologie.
On constate qu’une prise de conscience écologique se fait jour
Le spectacle des montagnes de déchets déversées dans les pays pauvres, celui des îles de matières plastiques qui flottent sur les océans, la lassitude que provoque la consommation massive de produits de qualité médiocre, ont rendu les consommateurs plus attentifs que naguère au rapport qualité/prix et en particulier à la qualité des services qui accompagnent les biens qu’ils consomment ou utilisent : si chez un concessionnaire le chef du garage est mal embouché, le client changera de marque de voiture…
Écologie ou Empathie ?
La compétence et l’amabilité du commerçant, du vendeur, de l’agent d’entretien, de l’accueil téléphonique, la commodité du remplacement des biens obsolescents, la confiance que l’on peut avoir dans leur recyclage, sont des critères de qualité auxquels le consommateur semble de plus en plus sensible : il souhaite par exemple retrouver sur un nouvel ordinateur toutes les applications, tous les documents qu’il avait installés sur le précédent.
Les magasins de grande surface cherchent par ailleurs, en promouvant une « offre qualitative », à se dégager du piège mortel dans lequel les a enfermés une publicité qui met exclusivement l’accent sur le prix le plus bas. Le ressort d’un changement des comportements est donc aujourd’hui tendu, mais pour qu’il puisse jouer il faut que le régulateur et le politique encouragent et soutiennent la croissance qualitative.
La qualité est une question de communication, donc d’information : c’est la qualité dans la durée qui fera la différence
La qualité des produits doit être rendue visible par des labels dûment contrôlés, les entreprises doivent être responsables non seulement de la fabrication des biens qu’elles produisent, mais de leur bon fonctionnement pendant toute leur durée de vie et de leur entretien jusqu’au recyclage et un éventuel remplacement : le produit n’est plus en fait le bien seul et nu, mais le service qu’il rend dans la durée à son utilisateur.
On trouve dans la situation présente des exemples qui confortent la possibilité d’une telle évolution. La France possède dans le monde une image de qualité dont l’industrie du luxe a su efficacement tirer parti, les labels AOC ont sauvé notre vignoble, le respect de l’environnement et de l’équité est un argument de vente, etc.
Qualité et informatisation en France : pour réussir
Cependant dans son ensemble notre économie a trop négligé cet atout : l’image de qualité s’est accolée à des automobiles allemandes, au mobilier suédois, aux GAFAM américaines, et non à des produits français.
Aller vers la croissance en qualité suppose donc de rompre avec certaines habitudes, de modifier des comportements : pour y parvenir il faut convaincre mais la contrainte législative et réglementaire sera sans doute nécessaire, associée la vigilance du pouvoir judiciaire.
La croissance en qualité que comporte l’iconomie répondra aux exigences de l’écologie, soutiendra la compétitivité de nos produits, exprimera une exigence envers le système éducatif et offrira des débouchés aux compétences qu’il forme.
La stratégie de croissance par la qualité permettra à la France de maintenir et accroître sa place dans le monde en exploitant le potentiel que présente sa réputation de qualité. Mais elle est menacée car d’autres pays pourraient, plus vite que nous, comprendre les exigences de l’iconomie et leur obéir.
une croissance infinie dans un système fini est impossible.
RépondreSupprimerLa quantité ne peut pas croître indéfiniment, mais on ne peut pas assigner de limite à la croissance de la qualité.
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