mardi 17 mars 2020

Les hivers des deux premières IA

(Cet épisode fait partie de la série "Dynamique et ressort de l'intelligence artificielle".)

Épisode précédent : Turing : informatique = intelligence

Première IA : automatiser le raisonnement

L'article de Turing avait attiré l'attention des informaticiens et éveillé leur ambition. John McCarthy a inventé en 1956 l’expression « intelligence artificielle » pour fournir à l’informatique4 une autre orientation que celle indiquée par la cybernétique de Norbert Wiener :

« One of the reasons for inventing the term "artificial intelligence" was to escape association with "cybernetics". Its concentration on analog feedback seemed misguided, and I wished to avoid having either to accept Norbert Wiener as a guru or having to argue with him. »

(John McCarthy, « Review of The Question of Artificial Intelligence » in Defending AI Research: A Collection of Essays and Reviews, CSLI, 1996.)

La première génération de l’IA, impulsée par John McCarthy et Herbert Simon, a été consacrée à l’automatisation du raisonnement : il s’agissait d’utiliser l’ordinateur pour prouver des théorèmes, pour traduire des textes d’une langue dans une autre, etc. Après quelques résultats encourageants les déceptions s’accumulèrent, notamment à propos de la traduction du russe vers l’anglais qui intéressait beaucoup l’armée américaine.

Les crédits se tarirent et la recherche en IA connut son premier « hiver » à partir de 1974.

Deuxième IA : automatiser l’expertise

La recherche fut relancée vers 1980 par l'espoir dans les « systèmes experts ». Il s’agissait d’introduire dans un programme les connaissances implicites des experts d’un domaine de l’ingénierie, de la finance, etc. et d’en déduire des conséquences logiques à l’aide d’un « moteur d’inférence » afin de pouvoir les mettre en œuvre en bénéficiant de la puissance et de la vitesse des processeurs.

Alors que les algorithmes avaient jusqu’alors traité logiquement des problèmes bien définis, les systèmes experts devaient enregistrer ainsi les « règles de pouce » et le « coup d’œil » des experts (par exemple les procédés du « chartisme » qu’utilisaient les opérateurs des salles de marché pour interpréter les graphiques des cours de bourse et des taux de change).

Les déceptions s’accumulèrent cependant de nouveau : la collecte des expertises rencontrait le mur de complexité qu’il faut franchir pour pouvoir expliciter des savoirs implicites, et en outre lorsque la conjoncture changeait le système expert restait rigide alors que l’expert humain adaptait intuitivement ses « règles de pouce ».

Vers 1987 l’IA entra dans un deuxième « hiver ».

Épisode suivant :  De l'analyse des données à la troisième IA
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4 Le mot « informatique » a été créé en 1962 par Philippe Dreyfus, alors ingénieur chez Bull, pour traduire en français l’expression « computer science ».

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