Voici l’introduction et la conclusion d’un livre édité par l’Institut de l’iconomie. Il sera disponible sur Amazon à partir du 15 avril.
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Introduction :
Le phénomène de l'informatisation, que l'on nomme souvent « numérique », confronte chaque entreprise, chaque institution et chaque nation à des possibilités et dangers nouveaux : il transforme les produits et l'ingénierie de la production, attise la concurrence et l'innovation, apporte des problèmes de sécurité inédits.
Des catastrophes sont probables si l'on ne prend pas la mesure de la situation que l'informatisation fait émerger. Les pays qui ne la maîtriseront pas n'auront plus aucune audience dans le concert de la géopolitique car leur système productif et leurs institutions seront obsolètes.
La responsabilité personnelle du dirigeant d'une entreprise, d'une institution publique ou de l'État est donc engagée. Que doit-il faire, notamment s'il n'a reçu aucune formation à l'informatique comme c'est souvent le cas aujourd'hui en France ?
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Un dirigeant conscient de ses responsabilités fera en sorte que l'entreprise ou l'institution qu'il préside possède des compétences dans toutes les dimensions de l'informatisation : informatique et système d'information, organisation, conception des produits, ingénierie, logistique, etc.
Il ne suffit cependant pas de posséder ces compétences : il faut aussi qu'elles soient présentes et entendues dans le comité de direction, dans l'état-major, afin que la stratégie et les décisions puissent tirer parti des possibilités que l'informatisation apporte tout en maîtrisant les dangers qui les accompagnent.
Ces dispositions cruciales permettront au dirigeant d'acquérir une intuition exacte de la situation présente et d'assumer ainsi sa responsabilité dans une époque très dangereuse, mais pleine d'opportunités.
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L'Institut de l'iconomie a voulu illustrer le phénomène de l'informatisation, auquel il avait consacré plusieurs ouvrages, par des études de cas qui éclaireront le lecteur en l'aidant à se représenter le caractère pratique, concret et très divers de ses manifestations.
Il a créé à cette fin quatre groupes de travail :
-- l'informatisation de l'automobile, animé par Jean-Pierre Corniou ;
-- la 5G, animé par Michel Volle ;
-- l'industrie informatique, animé par Laurent Bloch ;
-- la troisième révolution industrielle, animé par Hugues Chevalier.
Les animateurs ont rassemblé des experts pour produire les études publiées dans le présent volume, à la fin duquel on trouvera la liste des contributeurs.
Nous ne prétendons pas avoir dit le dernier mot sur chacun des sujets ainsi abordés : il s'agissait seulement d'éveiller l'intuition des personnes dont les décisions orientent la politique et l'économie en illustrant, sur des terrains divers, les possibilités, dangers et enjeux de l'informatisation.
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Ces textes font apparaître clairement l'effort que l'informatisation impose à la sociologie des organisations et à la psychologie des personnes, ainsi que le défi qu'elle adresse aux nations.
Ils sont destinés aux dirigeants, et aussi à l'état-major qui entoure chacun d'entre eux, afin qu'ils puissent trouver dans la situation -- celle de notre pays, de notre économie, de leur entreprise ou de leur institution -- les repères qui leur permettront de s'orienter.
Conclusion :
Les exercices auxquels nous nous sommes livrés dans cet ouvrage n’épuisent certes pas le phénomène de l’informatisation. Ils illustrent cependant son ampleur, sa complexité et les enjeux auxquels l’iconomie confronte les nations.
Aucune d'entre elles ne pourra en effet se permettre de prendre du retard dans la course à la puissance informatique, à la qualité des algorithmes et des applications, à l’intelligence de leur utilisation.
Tout en rivalisant les nations seront contraintes à échanger et à coopérer pour tirer parti des économies d’échelle dans l'élaboration des produits : un réseau de relations paradoxales s’entrelace déjà sur l’échiquier de la géopolitique avec la généralisation de la concurrence monopolistique, régime ultra-violent mais qui attise l’innovation.
Si la loi de Moore semble arriver bientôt à la fin de sa portée, cela ne mettra pas un terme à la dynamique de l’informatisation car beaucoup reste à faire dans la qualité des systèmes d’information, leur interopérabilité, leur sécurité, leur insertion dans l’organisation et la stratégie des entreprises.
La rapidité de la mise au point des vaccins contre la Covid 19 a illustré les progrès de la bioinformatique. La biologie et la médecine s'informatisent à vive allure et il en est de même de toutes les filières : les tâches répétitives étant de plus en plus automatisées, c’est en s’informatisant que les filières de la mécanique, de la chimie, de l’énergie, de l’agriculture et de la logistique progressent désormais.
Certes les ordinateurs consomment de l’énergie mais leur bilan écologique doit tenir compte des économies qu’apporte leur utilisation dans les usages personnels comme professionnels et, avec le réseau intelligent (smart grid), dans la production et la distribution d’énergie elles-mêmes : contrairement à une opinion trop répandue la transition écologique sera fondamentalement une transition informatique.
Une telle évolution ne peut pas aller sans frictions ni difficultés. Tandis que dans l'emploi le « cerveau d’œuvre » a remplacé la main d’œuvre, les organisations peinent à reconnaître et à gérer ses compétences. La sociologie des institutions et la psychologie des personnes étant ainsi mises sous tension, la transition vers l'iconomie rencontre de nombreux obstacles.
Comme toute transition elle exigera volonté et courage de la part des décideurs. Il leur faudra surtout, pour pouvoir s'orienter dans la situation présente, avoir acquis une intuition exacte, instinctive et familière, du phénomène de l'informatisation.